Une société immobilière avait procédé à des amortissements sur la valeur d’un immeuble et s’était tenue pour cela aux taux d’amortissements de la notice de l’AFC. L’administration des contributions de Schaffhouse ne voulait plus admettre les amortissements au motif que la valeur d’un immeuble ne pourrait pas être amortie au-dessous de sa valeur fiscale. À l’inverse, le tribunal supérieur a admis les amortissements au motif que les amortissements effectués par la société immobilière se situeraient dans le cadre des taux d’amortissement, tels qu’ils sont prévus dans les notices de l’Administration fédérale des contributions. Les amortissements effectués selon ces taux normaux seraient considérés comme étant justifiés par l’usage commercial sans autre formalité, même si la valeur comptable qui en résulte serait de toute évidence inférieure à la valeur réelle. Notons tout de même que dans le cas des terrains bâtis, l’amortissement n’est autorisé que jusqu’à concurrence de la valeur du terrain.
Le Tribunal fédéral propose une solution médiane dans son arrêt. Il retient qu’un amortissement ne se justifie pour les immeubles comme pour les autres actifs que s’ils sont effectivement dépréciés en raison de l’usage ou de l’écoulement du temps.
Eu égard à la finalité de l’amortissement, à savoir tenir compte de la dépréciation d’un immeuble, cela signifie que la valeur finale ou résiduelle d’un immeuble de placement se présente comme la valeur de celui-ci dans des conditions défavorables au moment de sa sortie de l’activité. Cette valeur sert de base au calcul de l’amortissement ordinaire et ne peut en principe être déterminée qu’individuellement pour chaque immeuble. Il n’en va pas autrement dans le cadre du nouveau droit comptable qui n’entre pas encore en jeu dans le cas présent, où il s’agit d’apprécier des amortissements effectués en 2010 et 2011. Même selon le nouveau droit, le besoin d’amortissement ordinaire à prendre en compte au plan fiscal se mesure à l’aune d’une valeur résiduelle éventuelle et dépend de la date à laquelle celle-ci sera vraisemblablement atteinte ou que l’actif sortira de l’entreprise. Dans de nombreux cas, le fait d’opérer librement des amortissements ordinaires se traduit par la formation de réserves latentes, parce que les amortissements correspondants ne reproduisent pas de dépréciation réelle sur certaines périodes; le cas échéant, un amortissement peut même être opposé à une appréciation réelle. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, cette constitution occasionnelle de réserves latentes ne représente pas en principe un motif de refus de la reconnaissance du caractère justifié par l’usage commercial d’un amortissement. En cas d’amortissement linéaire, la constitution de réserves latentes ne peut être restreinte que si elle est constante. Dans ce cas, il faut vérifier que le taux d’amortissement choisi n’est pas trop élevé. Un refus de la reconnaissance fiscale d’un amortissement ne se justifie que s’il est établi que le taux d’amortissement est constamment trop élevé ou que l’immeuble ne subit pas de dépréciation à long terme (ATF 132 I 175, consid. 3, p. 180). La reconnaissance fiscale doit donc être entièrement ou partiellement déniée à un amortissement ordinaire si l’amortissement est trop rapide (c.-à-d. avec des taux d’amortissement excessifs qui ne correspondent clairement pas à la dépréciation réelle en cours) et/ou s’il n’y a (plus) aucun besoin d’amortissement, parce qu’il ne faut (plus) s’attendre à une dépréciation.
La notice AFC ne constitue pas du droit fédéral, mais une directive administrative et ne lie pas les autorités judiciaires. Elle s’adresse aux autorités chargées d’appliquer le droit et vise une pratique uniforme de la taxation. Les amortissements ordinaires sont donc considérés comme justifiés par l’usage commercial sans preuve particulière s’ils n’excèdent pas les taux maximaux définis dans la notice pour les amortissements. La notice ne se prononce cependant pas sur la problématique litigieuse dans le cas présent, consistant à savoir si et quand une valeur est éventuellement atteinte qui se situe de toute évidence nettement en dessous de la valeur effective d’un immeuble.
Le Tribunal fédéral retient que l’administration des contributions irait trop loin en refusant d’admettre le moindre amortissement si la valeur fiscale n’est pas atteinte, sans examiner de plus près la nécessité éventuelle d’un amortissement (supplémentaire). Il se peut que la valeur effective d’un immeuble d’habitation soit très souvent supérieure à la valeur fiscale. Tout cela ne suffit cependant pas à supposer sans autre formalité que l’amortissement effectué déboucherait sur une valeur comptable constamment trop basse, conjointement avec les amortissements ordinaires déjà réalisés précédemment et restant à réaliser à l’avenir.
Compte tenu du caractère de l’amortissement normal comme une pratique d’imposition égalitaire généralement reconnue dans la pratique, en relation avec la reconnaissance de l’instrument servant à la reconnaissance des amortissements ordinaires, il aurait été du devoir de l’administration des contributions de démontrer concrètement que et pourquoi l’amortissement ordinaire produit dans le cas concret une valeur comptable constamment nettement trop basse à l’aune de la valeur vénale, p.ex. parce qu’il s’agit d’un immeuble continuellement entretenu et qui ne présente aucune dépréciation à long terme sans ou avec un faible besoin d’amortissement ordinaire à long terme. Dans la décision contestée, le tribunal supérieur va certes trop loin en expliquant qu’un amortissement normal devrait également être fiscalement accepté si la valeur qui en résulte est de toute évidence inférieure à la valeur réelle; les amortissements effectués aux taux normaux seraient justifiés par l’usage commercial sans autre formalité. L’autorité de taxation est en revanche libre de réfuter l’hypothèse selon laquelle des amortissements au taux normal sont justifiés par l’usage commercial. Comme d’habitude, il lui incombe la charge de la preuve pour les faits justifiant ou augmentant l’impôt. Comme l’administration des contributions n’a ni affirmé ni prouvé dans la procédure devant l’instance précédente que les valeurs fiscales cantonales étaient de façon générale considérablement et durablement trop basses pour des immeubles dans le canton de Schaffhouse et qu’elle n’a pas non plus fourni d’indices en ce sens qu’il en était ainsi dans le cas à apprécier concrètement, elle a perdu devant le Tribunal fédéral.
Art. 62 LIFD
(TF, 26.10.2017 {2C_814/2016, 2C_815/2016}, Martin Byland, lic. iur., avocat, TBO Treuhand AG, Zurich)