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Un licenciement collectif constitue un défi de taille pour la direction et les responsables du personnel, non seulement sur les plans juridiques et organisationnels, mais aussi sur le plan émotionnel. Il soulève des difficultés qui obligent l’employeur à prendre des décisions douloureuses comme celle d’avoir à congédier le cas échéant des collaborateurs loyaux, actifs de longue date dans l’entreprise.

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1. Introduction
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Il y a licenciement collectif lorsqu’un employeur congédie un certain nombre de salariés dans un délai de 30 jours, sans que ces congés aient un lien quelconque avec la personne du travailleur (p. ex. ses prestations de travail, sa conduite).

La question de savoir s’il y a licenciement collectif du point de vue juridique dépend de la taille de l’entreprise et du nombre de salariés congédiés. Juridiquement, il y a un licenciement collectif quand sont touchés:

  • au moins 10 salariés (soit le nombre moyen de travailleurs employés durant une période de référence représentative, p. ex. un semestre, le personnel auxiliaire et de remplacement n’est pas compris) dans les établissements employant habituellement plus de 20 et moins de 100 travailleurs;
  • au moins 10% du nombre de travailleurs dans les établissements employant habituellement au moins 100 et moins de 300 travailleurs, et
  • au moins 30 travailleurs dans les établissements employant habituellement au moins 300 travailleurs.

Il n’est pas toujours facile de déterminer des seuils précis concernant le nombre d’employés. L’effectif du personnel peut fluctuer. La formule «habituellement» employée dans le texte de la loi autorise à conclure que des fluctuations à court terme ne sont pas prises en compte dans la détermination de ce chiffre. La disposition de l’art. 335d CO relative au licenciement collectif s’applique au groupe de travailleurs suivants: employés à plein temps ou à temps partiel, apprentis, stagiaires et volontaires, tous les collaborateurs qui effectuent leur temps d’essai ainsi que les personnes sous contrat de durée déterminée supérieure à trois mois. Les travailleurs qui ne sont engagés qu’en raison d’un cumul d’activité à court terme (soldes, période de Noël, travaux de clôture des comptes) ou pour remplacer des personnes en vacances ou malades, ainsi que les employés sous contrat de durée déterminée de moins de trois mois ne sont pas à prendre en considération1.

Nonobstant ces seuils, les dispositions relatives au licenciement collectif ne sont pas applicables lorsque le licenciement collectif a pour cause une cessation d’exploitation judiciaire, la mise en faillite de l’employeur ou un concordat par abandon d’actifs.

Il est toutefois possible qu’une convention collective de travail prévoie des règles de licenciement collectif pour des seuils inférieurs2. Dans ce cas, ce sont ces règles qui s’appliquent.

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2. Licenciement par l’employeur
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2.1 Fin des rapports de travail
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Le licenciement par l’employeur constitue le lien juridique avec le licenciement collectif. Peu importe que l’employeur ait vraiment voulu par-là mettre un terme au contrat de travail ou simplement modifier les conditions de travail (congé-modification). Peu importe par ailleurs que les travailleurs licenciés soient remplacés ou non par des personnes nouvellement engagées; il convient donc de prendre en compte les cas dans lesquels une diminution du nombre de travailleurs n’était nullement envisagée ainsi que les licenciements d’une filiale, même si la maison mère prévoit de cesser son activité par la suite3.

Seuls sont significatifs les licenciements prononcés par l’employeur pour des raisons économiques, techniques ou organisationnelles. On ne compte pas, en revanche, les licenciements pour performances insuffisantes ou pour raisons disciplinaires, dont le motif réside dans la personne même du travailleur. Si des motifs inhérents à la personne du travailleur et d’autres motifs expliquent le licenciement, la question est alors de savoir quelles sont les raisons déterminantes du congé.

À défaut de licenciement mais en présence quand même d’une cessation des rapports de travail, la résiliation du contrat n’est pas prise en compte dans le cadre du licenciement collectif. Il s’agit notamment de la fin des rapports de travail par convention (sous réserve d’un abus de droit), en raison d’un contrat de durée déterminée ou par suite du décès du travailleur. La modification d’un commun accord du contrat de travail ne vaut pas davantage licenciement au sens propre.

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2.2 Congés-modifications
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Il est admis en principe que les congés-modifications tombent eux aussi sous le coup des dispositions concernant le licenciement collectif4. On distingue deux types de congé-modification: le congé-modification à proprement parler (congé prononcé de manière formelle avec cette précision qu’il n’est pas applicable si les nouvelles conditions contractuelles sont acceptées) et le congé-modification au sens large (en l’espèce, l’employeur soumet au travailleur une offre contractuelle, l’intention étant toutefois de le licencier s’il n’accepte pas cette offre).

Le congé-modification proprement dit doit en tout cas être pris en compte dans la fixation du seuil de licenciement collectif. La situation est moins évidente à propos du congé-modification au sens large. On pourrait en effet faire valoir que le congé était planifié, de sorte que les congés-modifications au sens large devraient être pris en compte dans la fixation des seuils de licenciement collectif dès la date de remise des offres de modification. Cet avis n’est pas très répandu. On pourrait argumenter par ailleurs qu’à la date de remise des offres de modification, il n’est pas encore tenu pour acquis qu’un licenciement sera effectivement prononcé. C’est pourquoi, selon nous, les congés-modifications au sens large ne sont pas à prendre en considération. Mais si le congé est effectivement prononcé, il faut alors l’inclure dans la fixation des seuils de licenciement collectif.

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3. Licenciement dans un délai de 30 jours
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Pour vérifier s’il y a licenciement collectif, seuls sont pris en considération les congés prononcés dans un délai de 30 jours. Si donc les congés sont échelonnés dans le temps, les prescriptions relatives au licenciement collectif ne seraient pas applicables, sous réserve toutefois de contournement de la loi. Si les congés sont étagés dans le temps à seule fin de contourner la réglementation, il faut s’attendre selon la doctrine (encore qu’il existe des avis contraires de poids) à ce que ces prescriptions soient appliquées. Cependant, les cas dans lesquels les tribunaux estimaient que les dispositions concernant le licenciement collectif avaient été ignorées à tort sont plutôt rares car ils peuvent être lourds de conséquences.

Le Tribunal d’arbitrage commercial de Bâle-Ville en charge des arts et métiers a eu à connaître d’un tel cas en 2011. Il a estimé que l’étagement de congés dans le temps contrevenait aux prescriptions sur le licenciement collectif dès lors que l’employeur ne poursuivait pas, ce faisant, d’objectifs stratégiques lié au marché de l’emploi.

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4. Congé au sein de l’établissement
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Une entreprise peut être constituée de plusieurs établissements. L’examen de la question de savoir s’il y a ou non licenciement collectif est mené pour chacun de ces établissements séparément5. En d’autres termes, si une entreprise en tant qu’entité juridique comprend plusieurs établissements, la détermination du nombre de salariés ainsi que les congés entrant en ligne de compte porte non pas sur l’entreprise mais sur chacun de ses établissements.

La notion d’établissement n’est pas définie en droit suisse et, vu l’origine européenne des règles relatives au licenciement collectif, il est fréquent de tirer un parallèle avec la réglementation de l’Union européenne. Selon la Cour de justice européenne, le terme «établissement» désigne à l’art. 1 al. 1 let. a de la directive 98/59 l’entité dont font partie les travailleurs concernés par le licenciement. La question de savoir si cette entité a une direction habilité à procéder à des licenciements collectifs de sa propre initiative n’est pas déterminante pour la définition du terme d’établissement. Dans l’arrêt Athinaïki Chartopoiïa (C 270/05, EU:C:2007:101), la Cour de justice a précisé ce terme, considérant notamment au point 27 de l’arrêt qu’«aux fins de l’application de la directive 98/59, peut ainsi notamment constituer un ‹établissement› dans le cadre d’une entreprise, une entité distincte, présentant une certaine permanence et stabilité, qui est affectée à l’exécution d’une ou de plusieurs tâches déterminées et qui dispose d’un ensemble de travailleurs ainsi que de moyens techniques et d’une certaine structure organisationnelle permettant l’accomplissement de ces tâches». En employant les expressions «entité distincte» et «dans le cadre d’une entreprise», la Cour de justice a établi clairement que les termes «entreprise» et «établissement» diffèrent l’un de l’autre et que l’établissement fait normalement partie d’une entreprise. Ce qui ne saurait toutefois exclure – dans la mesure où un entreprise ne dispose pas de plusieurs entités distinctes – que l’établissement et l’entreprise puissent ne faire qu’un.

Ces considérations sont également transposables à la notion suisse d’établissement: selon la doctrine, il faut entendre par établissement une structure organisée, participant à la vie économique, dotée en personnel, en moyens matériels et immatériels qui permettent d’accomplir les objectifs de travail6. Peu importe à cet égard que cet établissement dispose de sa propre direction habilitée à décider les questions de licenciement. C’est ainsi que le Tribunal administratif de St-Gall a par exemple reconnu la qualité d’établissement à certains centres d’asile. Il faut admettre que l’on est en présence d’établissements distincts (ou autonomes) quand des entités fournissent exclusivement ou à titre principal des prestations de services aux membres d’une coopérative. Des instances cantonales ont elles aussi décidé que l’on ne pouvait exclure l’existence d’un établissement pour la seule raison qu’une filiale fournissait exclusivement des services à son groupe. En revanche, le service Formation continue de l’École supérieure de Zurich ne jouit pas d’une autonomie suffisante (arrêt du Tribunal administratif de Zurich).

Certains auteurs (minoritaires) n’entendent pas moins faire de cette règle une exception dès lors que les établissements sont (géographiquement) proches les uns des autres et pèsent sur le même marché régional de l’emploi7. Le Tribunal fédéral a laissé la question ouverte dans un arrêt en la matière.8 Un autre argument avancé est que les établissements situés dans le même canton seraient additionnés. Or, faute de base légale, il convient de réfuter une telle idée.

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5. Déroulement de la procédure de licenciement collectif
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L’employeur qui envisage un licenciement collectif doit veiller à respecter un certain nombre d’obligations légales visant principalement à la protection des travailleurs et à l’information de l’office cantonal du travail compétent. Le code suisse des obligations (art. 335f et 335g) prévoit en particulier les obligations suivantes de l’employeur9:

  • informer les travailleurs,
  • ouvrir une procédure de consultation parmi les employés et
  • notifier à temps le projet de licenciement collectif à l’office cantonal du travail.

Il doit s’acquitter de ces obligations dans cet ordre. Les dispositions légales relatives au licenciement collectif ne s’appliquent pas en cas de cessation d’activité intervenue sur ordre du juge ni en cas de licenciement collectif par suite de faillite ni en cas de concordat par abandon d’actifs (art. 335e al. 2 CO).

Le respect des obligations légales concernant un licenciement collectif naît au moment même où l’employeur envisage concrètement d’engager une telle mesure. Si le licenciement collectif est une simple option prise en considération, ces obligations ne s’imposent pas encore10. Mais dans certaines circonstances, il peut se révéler difficile de déterminer quand il y a intention concrète ou non.

L’important est que la décision définitive de procéder aux licenciements ne puisse tomber qu’au terme de la procédure de consultation. C’est pourquoi, pour autant que les dispositions sur les licenciements collectifs soient applicables, les décisions du conseil d’administration doivent être prises à la condition que la procédure de consultation n’ait rien produit d’autre ni laissé envisager une solution. Il s’ensuit que les communications aux travailleurs et d’éventuels communiqués de presse doivent eux aussi être formulés avec circonspection.

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6. Obligation d’informer
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6.1 Teneur minimale des communications
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L’employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif est tenu de consulter la représentation des travailleurs ou, à défaut, chacun de ceux-ci (voir plus loin quelle est la partie pertinente à la consultation). Il doit leur communiquer par écrit11:

a. les motifs du licenciement collectif,
b. le nombre des travailleurs auxquels le congé doit être signifié,
c. le nombre des travailleurs habituellement employés et
d. la période pendant laquelle il est envisagé de donner les congés.

Sur la base de ces informations à fournir de manière aussi véridique que possible, les parties à la consultation peuvent déterminer s’il y a licenciement collectif ou non. Il faut en particulier exposer concrètement tous les motifs du licenciement collectif afin de faciliter la recherche de solutions dans le cadre de la procédure de consultation. L’apparition de nouveaux motifs doit faire l’objet d’une communication ultérieure et conduit à la fixation d’un nouveau délai pour la consultation12.

L’ouverture d’une procédure de licenciement collectif est souvent combinée à une assemblée des travailleurs ce qui peut être utile mais n’est pas requis par la loi.

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6.2 Copie à l’office du travail
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L’employeur est tenu de transmettre une copie de la communication écrite à l’office cantonal du travail. Il peut le faire aussi par fax. Cette copie doit être identique à la communication écrite adressée aux travailleurs au début de la consultation. La non-remise de cette copie constituerait une violation de l’obligation de consultation. Sur la foi de cette notification, l’office du travail a la possibilité d’estimer l’impact du licenciement collectif sur le marché local de l’emploi.

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6.3 Autres renseignements utiles
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L’employeur doit fournir tout autre renseignement utile à propos des informations minimales évoquées plus haut13. À cet égard, les travailleurs doivent se restreindre à des informations nécessaires au choix, à l’élaboration et à l’amélioration de projets conventionnels en cours d’établissement14. On entend par là des informations

  • sur la possibilité de transferts au sein de l’établissement ou du groupe,
  • sur la réorganisation de la répartition des tâches,
  • sur les moyens permettant d’indemniser les travailleurs qui quittent l’établissement à titre volontaire, ou
  • sur des mises à la retraite anticipées.

À la différence des informations minimales, l’employeur n’est pas tenu de communiquer les renseignements utiles de sa propre initiative. Mais une telle initiative de sa part pourra s’avérer avantageuse pour éviter une prolongation inutile de la procédure.

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7. Procédure de consultation
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Aux termes de l’art. 335f CO, l’employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif est tenu de consulter la représentation des travailleurs15 et de leur donner la possibilité de formuler des propositions sur les moyens d’éviter les congés ou d’en limiter le nombre, ainsi que d’en atténuer les conséquences16. Il doit à cet égard fournir aux travailleurs tous les renseignements utiles et leur communiquer certaines informations par écrit17. Les travailleurs devront disposer d’un délai raisonnable pour remettre leurs propositions. Ce délai sera fixé en fonction de l’urgence et de la complexité du projet ainsi que du degré d’organisation des travailleurs. Une représentation des travailleurs bien organisée a besoin de moins de temps qu’une autre pour la consultation. En règle générale, il convient d’accorder un délai d’au moins dix jours. En présence de cas simples ou très urgents, des délais plus courts sont également admis18.

La consultation a pour but d’aboutir à un consensus19 ou, plus exactement, d’éviter si possible un licenciement collectif, d’en limiter le nombre ou à tout le moins d’en atténuer les conséquences.

L’employeur et les travailleurs ont, dans le cadre de la participation dans l’entreprise – dont fait partie la procédure de consultation en cas de licenciement collectif (art. 10 let. c de la loi sur la participation) – à collaborer selon le principe de la bonne foi (art. 11 al. 1 de ladite loi).

Vu cette obligation de bonne foi, et afin d’aboutir à des résultats dans la procédure de consultation, d’éviter des congés ou à tout le moins d’en réduire le nombre, il incombe à l’employeur de se pencher sérieusement sur les propositions des partenaires sociaux. Les travailleurs doivent se voir accorder la possibilité d’influer sur sa prise de décision20. Cela dit, l’employeur est libre de mettre en œuvre ou non leurs propositions; celles-ci n’ont aucun caractère contraignant à son égard, quand bien même elles apparaîtraient judicieuses aux yeux d’un tiers objectif.

La doctrine juridique n’est pas unanime quant au contenu du droit de consultation. D’aucuns y voient uniquement le droit d’être entendu. D’autres sont favorables à un droit de regard proprement dit obligeant l’employeur à considérer sérieusement les propositions des travailleurs et à motiver leur rejet éventuel. Suivant cet avis, la Cour de justice du canton de Zurich a approuvé sur le fond cette obligation de motivation en cas de rejet des propositions21. D’autres auteurs encouragent même à un dialogue entre l’employeur et son personnel, autrement dit à une consultation commune22. Le Tribunal fédéral a simplement considéré que l’employeur était tenu, selon le principe de la bonne foi (cf. art. 11 de la loi sur la participation), d’examiner sérieusement les propositions alternatives23. Selon nous, une obligation de consultation entre l’employeur et son personnel qui irait au-delà de l’examen sérieux des propositions des travailleurs ne se pose pas24 et il y a même lieu, contrairement à la décision de la Cour de justice zurichoise, de réfuter toute obligation de motivation proprement dite à charge de l’employeur25.

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8. Parties à la consultation
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Le partenaire prioritaire de l’employeur pour la consultation relative à la procédure de licenciement collectif est la représentation des travailleurs, pour autant qu’il en existe une dans l’établissement; à défaut, les travailleurs doivent être consultés directement. À notre avis, il s’agit uniquement, en l’espèce, des travailleurs qui sont sous contrat de travail à la date d’ouverture de la procédure de consultation, sachant qu’il pourra s’avérer nécessaire de consulter aussi les travailleurs qui prennent leur service en cours de procédure.

Il y a lieu de consulter non seulement les travailleurs dont le licenciement est prévu mais encore tous ceux de l’établissement en question26; par contre, pas l’ensemble du personnel de l’employeur.

Dans les cas où l’employeur est partie à la convention collective de travail, les associations de travailleurs doivent, en fonction des dispositions de cette CCT, être associées à la consultation.

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9. Information de l’office du travail
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Une fois la consultation achevée, l’employeur est tenu de notifier par écrit à l’office cantonal du travail le projet de licenciement collectif envisagé; une copie de cette notification est transmise aux travailleurs.

La notification doit contenir les résultats de la consultation et tous les renseignements utiles (pour l’office) concernant le projet de licenciement collectif.

Comme une copie de cette lettre doit être transmise aux travailleurs, une communication spéciale aux travailleurs des résultats de la consultation devrait être superflue. L’envoi de la lettre à l’office du travail remplace cette communication.

Les travailleurs sont libres de faire part de leurs propres observations à l’office du travail. Toutefois, ce dernier n’a pas à vérifier si la procédure de consultation a été respectée. Il lui incombe bien davantage de tenter de trouver des solutions aux problèmes que soulève le licenciement collectif. D’une façon générale, il est recommandé d’informer le plus tôt possible l’office cantonal du travail compétent27.

En tout cas, un contrat de travail dénoncé dans le cadre d’un licenciement collectif prend fin au plus tôt 30 jours après la notification du projet de licenciement collectif à l’office du travail.

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10. Violation des dispositions relatives au licenciement collectif – conséquences
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En présence d’un licenciement collectif dont la réglementation légale n’a pas été respectée, les conséquences sont sérieuses pour l’employeur fautif.

Tout d’abord, conformément à l’art. 336 al. 2 let. c CO, le congé prononcé dans le cadre d’un licenciement collectif est réputé abusif s’il a été donné sans procédure de consultation. Si l’employeur enfreint le droit de consultation de ses collaborateurs, il s’ensuit que chacune des personnes concernées qui recourt contre son licenciement à temps, de manière correcte sur la forme comme sur le fond, a droit à une indemnité équivalant à deux mois de salaire au plus.

Ensuite, la non-information de l’office du travail risque d’avoir pour conséquence que les rapports de travail sont maintenus et que les travailleurs peuvent faire valoir des prétentions de salaire en conséquence.

À noter que la réglementation des délais de blocage à l’art. 336 CO s’applique également aux congés donnés dans le cadre d’un licenciement collectif. Rappelons que, dans certaines circonstances, un congé individuel peut être donné plus tard en vertu des dispositions du droit du travail relatives à la prévention contre les résiliations en temps inopportun (art. 336c CO) ou, plus exactement, que la date d’extinction du délai de résiliation doit être recalculée.

Dans la pratique, on ignore souvent qu’outre les obligations d’information et de consultation visées aux art. 335f et 335g CO, il existe d’autres déclarations obligatoires. Ainsi, l’employeur est tenu de déclarer à l’office du travail compétent tout licenciement d’un nombre important de travailleurs ainsi que toute fermeture d’entreprise dès que possible, mais au plus tard au moment où les congés sont donnés (art. 29 LSE). Par «nombre important» il faut entendre dix travailleurs, sachant que ce seuil peut être abaissé à six par les cantons (art. 53 OSE). La violation de cette obligation de déclarer peut être sanctionnée d’une amende jusqu’à 40 000 francs. Voici les seuils fixés par chacun des cantons.

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11. Obligation d’établir un plan social
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L’obligation d’établir un plan social a été instaurée à la faveur de la révision, en 2014, de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite. Il s’ensuit qu’en cas de congé donné à 30 travailleurs dans les 30 jours par un employeur qui compte habituellement au moins 250 salariés, un plan social doit être négocié, pour autant que l’employeur ne soit pas en faillite ni impliqué dans une procédure de succession. Les deux seuils de 30 et 250 travailleurs font référence à l’établissement concerné et non à l’employeur28.

S’il est tenu à cette obligation, l’employeur doit donc mener activement des négociations avec les parties à la consultation, lesquelles négociations doivent impérativement déboucher sur un plan social. Faute pour les parties de se mettre d’accord, un tribunal arbitral intervient pour établir un plan social contraignant pour toutes les parties.

La loi est muette quant à la teneur exacte du plan social. Elle dispose uniquement qu’il doit définir des mesures permettant d’éviter des licenciements, d’en limiter le nombre et d’en atténuer les conséquences. Ainsi, il est possible d’y convenir ou d’ordonner en principe toute mesure propre à atteindre ces objectifs, sachant que le plan social ne doit pas compromettre la survie de l’établissement déterminant.

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  1. Si le travailleur a signé un contrat de travail sans avoir pris ses fonctions, il n’y a pas lieu d’en tenir compte dans l’effectif de l’entreprise. Mais s’il venait à être congédié dans le cadre du licenciement collectif, ce congé devrait être pris en compte dans le nombre de licenciements.
  2. Cf. Thomas Kälin / Kerstin Kirchhoff, Massenentlassung, in: Jusletter 5 octobre 2009, cm 5.
  3. CHK-F. Emmel, art. 335e, n° 1.
  4. Voir à ce sujet Marco Kamber, Die Änderungskündigung im Arbeitsvertragsrecht, Berne 2014, p. 325 ss.
  5. Message complémentaire au message relatif à l’Accord EEE du 27 mai 1992, FF 1992 V 1 ss.
  6. ATF 129 III 335, consid. 2.1, et ATF 137 III 27, consid. 3.2.
  7. Cf. CHK-F. Emmel, art. 335e, n° 3.
  8. ATF 137 III 27.
  9. Le droit à l’information et le droit à être consulté sont des droits de participation au sens de l’art. 10 de la loi sur la participation.
  10. ATF 123 III 176.
  11. Ce n’est à qu’à compter de cette communication que court le délai de consultation.
  12. Thomas Kälin / Kerstin Kirchhoff, Massenentlassung, in: Jusletter 5 octobre 2009, cm 12.
  13. Si des travailleurs sont partie à la consultation à titre individuel, les informations supplémentaires utiles à la cause sont destinées non pas à tous les travailleurs mais uniquement à ceux qui en font la demande. La forme écrite n’est pas requise pour ces informations. À propos de l’étendue des informations, voir notamment Laura Widmer / Matthew T. Reiter, Remarques concernant les arrêts rendus par le Tribunal fédéral suisse du 17 mars 2011 (4A_483/2010) en l’affaire Gewerkschaft X. contre A. AG, et par la Cours de justice du canton de Soleure du 16 juillet 2010 (ZKAPP.2009.74), AJP 2011, p. 1103 ss.
  14. ATF 137 III 162, consid. 2.1.
  15. Autrement dit, la représentation des travailleurs si elle existe, ou bien les travailleurs à défaut de représentation.
  16. Mais les travailleurs ne disposent d’aucun droit de codécision. Voir à ce propos Thomas Geiser / Roland Müller, Arbeitsrecht in der Schweiz, Berne 2018, n° 597.
  17. Voir la note précédente.
  18. Concernant le délai, voir notamment Jürg Brühwiler, Einzelarbeitsvertrag, Art. 335f n° 3.
  19. À propos du processus législatif, voir: Sara Licci, Massenentlassung im schweizerischen Recht, thèse Zurich 2018, n° 166.
  20. ATF 130 III 102, consid. 4.2.
  21. Cf. ZR 103/2004, p. 14 – 21, consid. 10.
  22. Même si l’on ajoutait fois à cette obligation de consultation commune (rejetée toutefois dans le cas d’espèce), il faudrait, à défaut de représentation des travailleurs, y inclure à la rigueur les employés qui ont soumis des propositions.
  23. ATF 137 III 162, consid. 1.1. Selon le Tribunal fédéral, un différend n’est jugé sérieux que si un temps suffisant a été prévu pour en connaître.
  24. Autre avis Sara Licci, Massenentlassung im schweizerischen Recht, thèse Zurich 2018, n° 167, avec renvoi à la jurisprudence européenne.
  25. Même si l’on approuvait une obligation de motivation, il suffirait d’une motivation dans la lettre à l’office du travail avec copie aux travailleurs, sans qu’il soit besoin d’une motivation supplémentaire envers les travailleurs. Voir, à propos de l’obligation de motivation, la décision de la Cour de justice de Zurich: il s’ensuit «l’obligation pour l’employeur […] d’examiner les propositions des travailleurs et de motiver un refus éventuel de sa part» (décision du 2.4.2003, in ZR 103/2004 p. 14 – 21, consid. 10).
  26. Cf. Streiff / von Kaenel / Rudolph, Arbeitsvertrag, Praxiskommentar zu Art. 319 – 362 OR, 7e éd., Zurich 2012, Art. 335f n° 6, p. 967.
  27. La compétence de l’office cantonal du travail est fonction du lieu de situation de l’entreprise, même si l’employeur n’y a aucun siège statutaire.
  28. C’est aussi l’avis de Sara Licci, Massenentlassung im schweizerischen Recht, thèse Zurich 2018, n° 228 ss.
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