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Le nouveau droit de protection des adultes connaît de nombreuses interfaces entre les fiduciaires qui exercent une curatelle, les banques, les assurances et les autorités de protection de l’enfant et de l’adulte (APEA). Alors que chaque curateur doit connaître ses droits et devoirs généraux et particuliers dans le cadre de la gestion de la mesure de curatelle, les banques notamment sont souvent confrontées à la problématique des droits d’aviser l’autorité et de porter plainte ainsi qu’aux obligations d’aviser l’autorité. L’auteur examine ci-après les principaux droits et devoirs des curateurs et met en lumière le champ d’application des différents droits d’aviser l’autorité et de porter plainte ainsi que des obligations d’aviser l’autorité.

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1. Introduction
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Les adultes agissent en principe de façon autonome, en réglant (pouvant régler) eux-mêmes leurs affaires personnelles. Le droit des personnes – réglé dans le code civil (art. 11 ss CC) – détermine dans quelles conditions une personne a (pleinement) l’exercice des droits civils et la capacité juridique (y compris la capacité de contracter). Deux conditions doivent donc être réunies de manière cumulée (art. 13 CC):

  1. La majorité (art. 14 CC) et
  2. Le discernement (art. 16 CC).

Exceptionnellement, la capacité d’agir de façon autonome et autodéterminée peut être entravée par certains états de faiblesse. Parmi les états de faiblesse, le droit de protection des adultes cite par exemple une déficience mentale ou des troubles psychiques (art. 390 ch. 1 CC). Ces derniers incluent également les dépendances. Un tel état de faiblesse intrinsèque à la personne peut avoir pour conséquence qu’une personne majeure ne soit pas en mesure de gérer elle-même l’intégralité ou une partie de ses affaires, ce qui peut éventuellement engendrer un besoin d’aide et de protection. Le droit de protection des adultes a pour mission, à cet égard, de corriger, d’équilibrer ou d’atténuer. La question de savoir qui peut (légalement) représenter une personne adulte incapable de discernement se pose par ailleurs. Les mesures ordonnées par l’APEA ont pour but de garantir l’assistance et la protection de la personne qui a besoin d’aide (art. 388 al. 1 CC). L’autonomie de la personne concernée doit être préservée et favorisée autant que possible (art. 388 al. 2 CC). Les mesures prises par l’autorité ayant une incidence sur la liberté personnelle et donc sur les droits fondamentaux (art. 10 Cst.), l’Autorité de protection de l’adulte doit en outre tenir compte du principe de subsidiarité (art. 10 en rapport avec l’art. 36 Cst. et l’art. 389 CC). Autrement dit, l’autorité étatique n’ordonne une mesure de protection de l’adulte que (art. 389 CC)

  1. lorsque l’appui fourni à la personne ayant besoin d’aide par les membres de sa famille, par d’autres proches semble a priori insuffisant;
  2. lorsque le besoin d’assistance et de protection de la personne incapable de discernement n’est pas ou pas suffisamment garanti par une mesure personnelle anticipée (moyennant un mandat pour cause d’inaptitude ou des directives anticipées) ou par une mesure appliquée de plein droit (par exemple le droit de représentation légal du conjoint ou en cas de mesures médicales; cf. l’art. 374 ss CC).

Pour finir, toute mesure administrative de protection de l’adulte doit évidemment aussi être proportionnée (art. 5 et 36 Cst. et art. 389 CC).

Lorsqu’un fiduciaire est par exemple institué comme curateur des biens par l’APEA, la question qui se pose forcément à lui est de savoir quelles tâches il doit précisément accomplir et quelles prescriptions légales il doit respecter. Dans le détail il s’agit d’interrogations comme celles-ci:

  • Peut-on pénétrer sans autre forme de procès dans les locaux d’habitation de la personne concernée?
  • Son courrier peut-il être ouvert?
  • Qu’en est-il de son exercice des droits civils? Peut-elle continuer à assumer elle-même certaines affaires et si oui, lesquelles?
  • Y a-t-il des affaires pour lesquelles l’approbation de l’APEA est nécessairement requise?
  • Existe-t-il des transactions interdites?
  • Quels droits et devoirs généraux et particuliers doivent être respectés?

Les questions suivantes se posent, en revanche, en relation avec le droit de protection des adultes pour les banques impliquées, Postfinance et les assurances:

  • Quand peuvent-elles adresser à l’APEA un avis de mise en danger si elles ont connaissance d’une personne qui a besoin d’aide? Quand le secret bancaire (secret professionnel) s’y oppose-t-il éventuellement?
  • Quand ont-elles un droit de déclarer et quand ne l’ont-elles pas?
  • Quand ont-elles éventuellement une obligation de déclarer?
  • Comment peuvent-elles se défendre contre la gestion indue du mandat par un curateur? Existe-t-il un droit de déclarer à cet égard?
  • Comment peut-on se prémunir d’une représentation indue d’une personne par son conjoint ou partenaire enregistré? Comment se prémunir contre un mandataire pour cause d’inaptitude qui n’exécute pas correctement le mandat? Existe-t-il un droit de porter plainte à cet égard?
  • L’APEA a-t-elle en tout temps un droit direct et complet de demander des informations?

Ces questions doivent être étudiées ci-après en commençant par approfondir la curatelle des biens (point 2). Le droit de demander des informations de l’APEA doit ensuite être soumis à un examen critique (point 3) avant d’étudier les différents droits et obligations de déclarer ainsi que les droits de dénoncer (point 4).

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2. Curateur des biens
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2.1 Généralités
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Un état de faiblesse de la personne peut notamment aussi avoir pour conséquence la naissance d’un besoin d’aide et de protection concernant la gestion de patrimoine et la nécessité de prendre une mesure administrative, notamment la décision d’une curatelle.

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2.2 La gestion de patrimoine en tant qu’attribution d’un curateur
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Dans le cadre de la décision, l’APEA détermine précisément, en fonction des besoins de la personne concernée, les tâches à accomplir dans le cadre de la curatelle (art. 391 al. 1 CC). Les tâches à décrire peuvent concerner l’assistance personnelle, la gestion du patrimoine et les rapports juridiques avec les tiers (art. 391 al. 2 CC). Indépendamment de cela, le curateur ne peut prendre connaissance, sans le consentement de la personne concernée (capable de discernement), de sa correspondance ni pénétrer dans son logement qu’avec l’autorisation expresse de l’autorité de protection de l’adulte (art. 391 al. 3 CC).

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2.3 La curatelle des biens en tant que forme particulière de la curatelle de représentation
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2.3.1 Généralités
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La gestion de patrimoine est réglée à l’art. 395 CC. Il s’agit d’une forme spécifique de la curatelle de représentation, ce que montrent déjà les titres marginaux (notes marginales). Les conditions générales de la curatelle de représentation doivent donc également être remplies pour décider d’une curatelle des biens. Une telle curatelle est en effet instituée lorsque (art. 394 al. 1 CC):

  1. la personne qui a besoin d’aide ne peut accomplir certains actes et
  2. doit de ce fait être (légalement) représentée.

L’autorité de protection de l’adulte peut – mais n’est pas tenue de – limiter en conséquence l’exercice des droits civils de la personne concernée (art. 394 al. 2 CC). En plus de décrire les tâches devant être transférées au curateur, elle doit donc décider pour chaque tâche si la personne concernée doit être privée de l’exercice des droits civils correspondants. La restriction doit être consignée dans le dispositif de la décision. Le retrait de l’exercice des droits civils est nécessaire quand il y a un risque sérieux pour que la personne concernée contrecarre par ses actes les actions du curateur. Il est donc déterminant de savoir s’il existe une volonté de participation de la personne concernée ou s’il y a un risque qu’elle agisse contre ses propres intérêts déterminants.1

Même si la personne concernée continue d’exercer tous ses droits civils, elle est liée par les actes du curateur (et donc aussi par ceux du curateur des biens) (art. 394 al. 3 CC). En d’autres termes, la personne concernée est dûment tenue par les actes du curateur des biens dans les tâches qui lui ont été attribuées.2

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2.3.2 Exercice des droits civils par la personne concernée
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Si l’autorité de protection de l’adulte ne restreint pas explicitement les droits civils de la personne concernée, il existe de par la loi une compétence parallèle (concurrente), deux personnes pouvant dûment agir pour la même chose. Si la personne concernée est capable de discernement, elle peut en outre octroyer une procuration privée (art. 32 ss CO) au curateur pour des actes qui ne lui ont en principe pas été transférés en guise de tâche.3

En cas de compétence concurrente, il est bien sûr possible que les actes du curateur et de la personne protégée s’annulent réciproquement. Dans un tel cas, les règles du code des obligations concernant la protection des tiers impliqués dans un contrat sont en principe applicables, ce qui peut engendrer une obligation de dédommagement.

Si l’ exercice des droits civils a, en revanche, été retiré par l’autorité, la personne concernée ne peut plus elle-même s’engager valablement en ce qui concerne les affaires en question (cas d’application de l’art. 19d CC). Seul le curateur peut opérer des transactions pour les tâches en question.

Si l’exercice des droits civils a été retiré, la question qui se pose malgré tout au curateur des biens est de savoir s’il subsiste une certaine forme d’exercice résiduel des droits civils pour certaines questions et si oui, en quoi elle consiste précisément (cf. l’art. 407 CC). Demeurent réservés les cas pour lesquels la loi consent un exercice partiel des droits civils à une personne capable de discernement (art. 19 al. 2 et art. 19a CC):4

  1. Si la personne concernée est capable de discernement, elle peut obtenir des avantages à titre gratuit (généralement des cadeaux, p. ex. l’octroi d’une somme d’argent), malgré la privation des droits civils.
  2. Elle peut en outre se charger des affaires mineures se rapportant à sa vie quotidienne.
  3. Pour finir, elle possède dans les domaines transférés au curateur une capacité conditionnelle à conclure elle-même des actes juridiques dans le sens où l’approbation du curateur de représentation est requise pour leur validité (la forme, la date et les effets de l’approbation sont déterminés selon les art. 19a et 19b CC).

La personne concernée a en outre un (libre) pouvoir de disposition sur les actifs que le curateur met à sa libre disposition au sens de l’art. 409 CC («Montants à disposition»; une sorte d’argent de poche). Ces montants doivent être appropriés. Le caractère approprié est déterminé en fonction de la situation patrimoniale concrète de la personne concernée et des actifs qu’elle continue de gérer ou auxquels elle peut toujours accéder. Il dépend également des habitudes de vie et de la capacité de la personne concernée à gérer des actifs sous sa propre responsabilité. Cette norme a notamment pour but d’encourager l’autodétermination et ne s’applique pas uniquement à la gestion de fortune selon l’art. 395 CC, mais également par analogie à d’autres mesures impliquant la gestion d’un patrimoine. S’il s’avère que ces montants sont (très) mal gérés ou dilapidés ou si la personne concernée ne satisfait pas à ses obligations financières, le curateur peut (au moins) restreindre la liberté de disposition sur ces montants. Une certaine retenue est néanmoins de mise, car l’autodétermination reste le critère essentiel et non les intérêts privés ou publics visant à préserver, voire à accroître le patrimoine.5

Tant qu’une personne concernée est capable de discernement, les droits strictement personnels ne peuvent pas faire l’objet de la curatelle de représentation (cf. l’art. 19c CC).6

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2.3.3 Actes nécessitant le consentement de l’autorité de protection de l’adulte et actes interdits
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Les art. 416 s. CC (Actes nécessitant le consentement de l’autorité de protection de l’adulte) et l’art. 412 al. 1 CC (Actes interdits) sont applicables à la curatelle de représentation, car le curateur de représentation agit au nom de la personne concernée.

La loi prescrit que le curateur doit requérir le consentement de l’APEA pour certains actes qu’il accomplit au nom de la personne concernée (art. 416 al. 1 CC):

  1. liquider le ménage et résilier le contrat de bail du logement de la personne concernée;
  2. conclure ou résilier des contrats de longue durée relatifs au placement de la personne concernée;
  3. accepter ou répudier une succession lorsqu’une déclaration expresse est nécessaire, et conclure ou résilier un pacte successoral ou un contrat de partage successoral;
  4. acquérir ou aliéner des immeubles, les grever de gages ou d’autres droits réels ou construire au-delà des besoins de l’administration ordinaire;
  5. acquérir, aliéner ou mettre en gage d’autres biens, ou les grever d’usufruit si ces actes vont au-delà de l’administration ou de l’exploitation ordinaires;
  6. contracter ou accorder un prêt important et souscrire des engagements de change;
  7. conclure ou résilier des contrats dont l’objet est une rente viagère, un entretien viager ou une assurance sur la vie, sauf s’ils sont conclus dans le cadre de la prévoyance professionnelle liée à un contrat de travail;
  8. acquérir ou liquider une entreprise, ou entrer dans une société engageant une responsabilité personnelle ou un capital important;
  9. faire une déclaration d’insolvabilité, plaider, transiger, compromettre ou conclure un concordat, sous réserve des mesures provisoires prises d’urgence par le curateur.

Le consentement de l’APEA n’est cependant pas nécessaire si la personne concernée est capable de discernement, que l’exercice de ses droits civils n’est pas restreint par la curatelle et qu’elle donne son accord (art. 416 al. 2 CC). En d’autres termes, trois conditions doivent être remplies de manière cumulées pour pouvoir faire l’impasse sur le consentement:

  1. l’exercice des droits civils ne doit pas être restreint par la curatelle;
  2. la personne concernée doit être capable de discernement et
  3. donner son accord.

Il en va de même des actes non recensés dans le catalogue ci-dessus, dont l’APEA a expressément décidé qu’ils lui seront soumis pour approbation (art. 417 CC). On peut toutefois supposer en principe dans un tel cas que l’APEA aura simultanément privé la personne concernée des droits civils.

A l’art. 6 al. 2 et à l’art. 7 al. 2 et 3 pour certains placements et à l’art. 9 al. 1 pour les contrats sur le placement et la préservation de biens, l’ordonnance sur la gestion du patrimoine dans le cadre d’une curatelle ou d’une tutelle (OGPCT) dispose également une obligation d’accord. Les champs d’application recoupent ainsi en partie l’exigence d’approbation prévue à l’art. 416 s. CC. Le législateur ayant définitivement réglé les actes soumis à approbation, l’obligation d’accord selon l’OGPCT n’a pas d’effet constituant en matière de droit civil et de droit des contrats. Un placement a donc également été valablement conclu, si l’approbation de l’APEA fait défaut et si aucune approbation selon l’art. 416 s. CC n’est simultanément requise.7 Nous sommes néanmoins en présence d’une violation de l’obligation de diligence du curateur, ce qui peut engager sa responsabilité (art. 454 ss CC) et déboucher pour finir sur un recours à l’encontre du curateur, conformément au droit cantonal (art. 454 al. 4 CC). Un placement qui n’a définitivement pas été approuvé doit par ailleurs être transformé enun placement valable (à l’instar de l’art. 8 al. 1 OGPCT).8 L’art. 416 al. 2 CC est toutefois aussi applicable par analogie dans le champ d’application de l’OGPCT, une approbation de l’APEA devenant obsolète dans les conditions précitées.

Pour finir, il est à noter que les contrats entre le curateur et la personne concernée requièrent toujours l’approbation de l’APEA, sauf si cette dernière octroie un mandat à titre gratuit.

S’agissant des actes interdits, il est à noter que le curateur ne peut, au nom de la personne concernée (art. 412 al. 1 CC):

  • procéder à des cautionnements (art. 492 ss CO)
  • ni créer des fondations (art. 80 ss CO)
  • ou effectuer des donations (art. 239 ss CO), à l’exception des présents d’usage.

Le curateur doit, dans la mesure du possible, s’abstenir d’aliéner tout bien qui revêt une valeur (affective) particulière pour la personne concernée ou pour sa famille (art. 412 al. 2 CC).

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2.3.4 Droits et devoirs du curateur de représentation
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Introduction
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Les actes et les omissions du curateur peuvent faire l’objet d’un recours selon l’art. 419 CC. Sur la base de cette disposition, la personne concernée elle-même, l’un de ses proches ou toute personne qui a un intérêt juridique peut en appeler à l’APEA (cf. le point 4.4 ci-après).

Les tiers qui tireraient profit d’un acte correspondant (notamment en relation avec la gestion de fortune) ont certes un intérêt effectif à ce qu’il soit conclu, mais pas un intérêt juridique.

Il est donc essentiel pour le curateur de connaître ses droits et ses devoirs. Ils seront détaillés ci-après. Les obligations générales d’un curateur seront présentées dans un premier temps, puis les obligations et droits particuliers dans le cadre de la gestion de fortune.

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Obligations générales
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Le code civil établit des règles générales pour l’exercice de la curatelle que le curateur doit respecter, puisqu’elles s’appliquent à tous les types de curatelles (art. 405 ss CC):

  1. Le curateur doit réunir les informations nécessaires à l’accomplissement de sa tâche et prendre personnellement contact avec la personne concernée (art. 405 al. 1 CC; expression du respect de la personnalité et de l’importance accrue accordée au suivi personnalisé).
  2. Si la curatelle englobe la gestion du patrimoine, le curateur dresse sans délai, en collaboration avec l’APEA, un inventaire des valeurs patrimoniales qu’il doit gérer (art. 405 al. 2 CC; l’inventaire constitue la base de la comptabilité et de la gestion de patrimoine). Les tiers sont tenus de fournir toutes les informations requises pour l’établissement de l’inventaire (art. 405 al. 4 CC). Cette obligation de collaboration vaut notamment aussi pour les personnes soumises au secret professionnel (p. ex. les banques; art. 405 al. 3 CC en rapport avec l’art. 47 LB) et est en principe gratuite. Quiconque refuse de répondre ou fournit un faux renseignement sera éventuellement tenu à un dédommagement.9
  3. Le curateur sauvegarde les intérêts de la personne concernée10 qui lui ont été confiés par l’APEA et tient compte, dans la mesure du possible, de son avis et respecte sa volonté d’organiser son existence comme elle l’entend (art. 406 al. 1 CC).11 Le curateur s’emploie à établir une relation de confiance avec elle, à prévenir une détérioration de son état de faiblesse12 ou à en atténuer les effets (art. 406 al. 2 CC).
  4. Si une personne concernée est capable de discernement, même privée de l’exercice des droits civils, elle peut s’engager par ses propres actes dans les limites prévues par le droit des personnes et exercer ses droits strictement personnels13 (art. 407 CC; cf. à ce propos le point 2.3.2 ci-dessus).
  5. Aussi souvent qu’il est nécessaire, mais au moins tous les deux ans, le curateur remet à l’APEA un rapport14 sur son activité et sur l’évolution de la situation de la personne concernée (art. 411 al. 1 CC). La personne concernée doit être associée à l’établissement du rapport dans la mesure du possible et une copie doit lui en être remise à sa demande (art. 411 al. 2 CC). Le curateur a en outre une obligation de tenue du dossier pour exercer son travail avec rigueur et professionnalisme.
  6. Le curateur accomplit ses tâches avec le même devoir de diligence qu’un mandataire au sens du code des obligations (art. 413 al. 1 CC en rapport avec l’art. 398 CO15; cf. également l’art. 408 al. 1 CC). En cas de violation du devoir de diligence, les art. 454 s. CC énoncent la responsabilité pour le préjudice occasionné. Seul le canton est responsable (art. 454 al. 3 CC). L’action récursoire contre le curateur est régie par le droit (public) cantonal (art. 454 al. 4 CC). Le curateur est tenu au secret, à moins que des intérêts prépondérants ne s’y opposent (art. 413 al. 2 CC). Pour finir, le curateur doit informer les tiers de l’existence d’une curatelle lorsque l’exécution des tâches qui lui sont confiées l’exige (art. 413 al. 3 CC).
  7. Le curateur doit informer sans délai l’APEA des faits nouveaux qui justifient la modification ou la levée de la curatelle (art. 414 CC).
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Droits et devoirs dans le cadre de la gestion de patrimoine en particulier
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Lorsque l’APEA institue une curatelle de représentation ayant pour objet la gestion du patrimoine, elle détermine les biens sur lesquels portent les pouvoirs du curateur. Elle peut soumettre à la gestion tout ou partie des revenus ou de la fortune (art. 395 al. 1 CC). L’APEA doit donc informer précisément (par écrit) le curateur sur les biens qu’il est tenu de gérer.

A moins que l’APEA n’en décide autrement, les pouvoirs de gestion du curateur s’étendent généralement aussi à l’épargne constituée sur la base des revenus et du produit de la fortune gérée (art. 395 al. 2 CC). Sans limiter l’exercice des droits civils de la personne concernée, l’APEA peut la priver de la faculté d’accéder à certains éléments de son patrimoine (art. 395al. 3 CC). Si l’APEA prive la personne concernée de la faculté de disposer d’un immeuble16, elle en fait porter la mention au registre foncier (art. 395 al. 4 CC; cf. également l’art. 962a ch. 1 CC).

Le curateur a les droits et les devoirs suivants dans le cadre de la gestion du patrimoine:

  1. Le curateur chargé de la gestion du patrimoine doit administrer les biens de la personne concernée avec diligence et effectuer les actes juridiques17 (art. 32 ss CO) liés à la gestion (art. 408 al. 1 CC et art. 413 CC). Le curateur peut notamment (art. 408 al. 2 CC):
    – assurer la réception, avec effet libératoire (art. 114 CO), des prestations dues par les tiers (cf. également l’art. 452 al. 2 CC);
    – régler les dettes dans la mesure où cela est indiqué;
    – représenter, si nécessaire, la personne concernée pour ses besoins ordinaires (besoin d’entretien quotidien ordinaire) (art. 32 ss CO).
  2. Le curateur met à la libre disposition de la personne concernée des montants appropriés qui sont prélevés sur les biens de celle-ci (art. 409 CC; cf. également à ce sujet le point détaillé 2.3.2).
  3. Le curateur doit tenir les comptes et les soumettre à l’approbation de l’APEA aux périodes fixées par celle-ci, mais au moins tous les deux ans (art. 410 al. 1 CC; cf. également l’art. 415 CC). Il doit renseigner la personne concernée sur les comptes et lui en remettre une copie à sa demande (art. 410 al. 2 CC).

En plus des dispositions du code civil relatives à la gestion de patrimoine, il existe d’autres bases légales et recommandations importantes dans ce contexte:

  1. Le législateur a imposé au Conseil fédéral d’édicter les dispositions relatives au placement et à la préservation des biens (art. 408 al. 3 CC). Le Conseil fédéral a répondu à cette obligation en édictant l’ordonnance sur la gestion du patrimoine dans le cadre d’une curatelle ou d’une tutelle (OGPCT)18.
  2. En juillet 2013, l’Association suisse des banquiers (ASB) a édicté des Recommandations relatives à la gestion du patrimoine conformément au droit de la protection des mineurs et des adultes en collaboration avec la Conférence des cantons en matière de protection des mineurs et des adultes (COPMA).19

L’OGPCT règle le placement et la préservation des biens (revenu compris) qui sont gérés dans le cadre d’une curatelle (art. 1 OGPCT). Le curateur responsable de la gestion du patrimoine est le destinataire de l’ordonnance.

Les recommandations s’adressent, en revanche, aux banques et à leurs collaborateurs ainsi qu’aux autorités et curateurs (mandataires). Elles visent notamment l’application pratiquede l’OGPCT.

Le destinataire de l’OGPCT étant le curateur responsable de la gestion du patrimoine, la question qui se pose est de savoir à quels types de curatelles cela peut s’appliquer:

  1. Curatelle de portée générale: la gestion du patrimoine (complète) est confiée au curateur de par la loi (art. 398 al. 1 en rapport avec l’al. 2 CC).
  2. Curatelle de représentation avec gestion du patrimoine: la gestion (complète ou partielle) du patrimoine est également confiée au curateur (art. 394 en rapport avec l’art. 395 CC).
  3. Curatelle de coopération: l’APEA doit définir quels actes (le cas échéant aussi patrimoniaux) doivent être soumis à l’exigence du consentement du curateur (art. 396 CC). L’approbation devrait (au moins) s’orienter en fonction des principes de l’OGPCT.
  4. Curatelle d’accompagnement: la teneur et le but de l’OGPCT justifient éventuellement son «application» par analogie à la curatelle d’accompagnement (art. 393 CC). Si le curateur assiste une personne dans ses affaires patrimoniales par ses conseils et par ses actes, il devrait s’appuyer sur les principes de l’OGPCT (sécurité adaptée au but, diversification, planification des liquidités, capacité de risque, etc.).

On peut retenir ceci concernant le champ d’application de l’OGPCT:

  • L’OGPCT s’applique autant aux curateurs professionnels qu’aux mandataires privés.
  • Les banques, gérants de fortune, fiduciaires ou autres tiers ne sont pas directement tenus par l’OGPCT.
  • Les mandataires pour cause d’inaptitude (avec un mandat pour cause d’inaptitude: art. 360 ss CC) et les actes dans le cadre du pouvoir légal de représentation (art. 374 ss CC) ne sont pas couverts par l’OGPCT. Son application peut cependant être expressément prévue dans le mandat pour cause d’inaptitude (MCI). Par ailleurs, on peut au moins envisager que les principes de l’OGPCT puissent servir de manière auxiliaire comme critère de diligence pour la gestion du mandat par le mandataire pour cause d’inaptitude.

Les principaux principes et objectifs de l’OGPCT que le curateur doit connaître et respecter sont:

  1. Sécurité des buts (individuelle et prise en compte de la capacité de risque)
  2. Préservation de la valeur réelle (accroissement de la fortune dans le sens d’une préservation de la valeur réelle et d’une compensation de l’inflation; art. 2 al. 1 OGPCT).
  3. La sécurité prime le rendement (investissement rémunérateur que dans la mesure du possible; la préservation de la fortune est toujours l’objectif primaire; art. 2 al. 1 OGPCT).
  4. Principe de diversification (répartition du patrimoine entre des placements aux caractéristiques aussi diverses que possible; répartition des éléments du portefeuille entre différents types de positions [p. ex. valeurs mobilières et valeurs pécuniaires, actions et titres à revenu fixe] et des émetteurs variés; équilibrer et optimiser le rapport risque-rendement; art. 2 al. 2 OGPCT).
  5. Planification des liquidités (sur la base des besoins de trésorerie de la personne concernée, les placements doivent être choisis de telle sorte qu’il y ait en tout temps suffisamment de liquidités pour couvrir les besoins courants et les dépenses extraordinaires prévisibles; répartition entre placements à court, moyen et long terme; budget / plan de financement; art. 5 al. 3 et art. 6 OGPCT).
  6. Prise en compte de la situation personnelle (si possible – donc en tenant compte de l’état de faiblesse – tenir compte de la volonté et des souhaits de la personne concernée [promotion de l’autodétermination]; art. 5 al. 1 et art. 8 al. 2 et 3 OGPCT).
  7. Professionnalisme (conséquence de l’obligation de diligence: le placement de la fortune doit être réalisé avec professionnalisme [art. 408 CC en rapport avec l’art. 413 CC et l’art. 398 CO]; aucune obligation de principe à recourir à un gérant de fortune [externe à la banque] ou à d’autres spécialistes; souvent les connaissances et l’expérience nécessaires au placement feront toutefois défaut, raison pour laquelle l’aide d’un spécialiste est nécessaire [généralement contrat de conseil patrimonial / gestion de fortune entre la personne concernée, représentée par le curateur, et la banque; cf. l’art. 9 OGPCT pour le private banking; obligation d’approbation par l’APEA]; le curateur est responsable du choix / de l’instruction / de la surveillance du spécialiste; les coûts du conseil nécessaire par des spécialistes doivent être imputés à la personne concernée).

Les autres obligations imposées par l’ordonnance au curateur sont les suivantes:

  1. Il doit placer sans délai les espèces qui ne sont pas destinées à couvrir à brève échéance les besoins de la personne concernée sur un compte auprès d’une banque ou auprès de Postfinance (art. 3 OGPCT).
  2. Il doit déposer les titres / objets de valeur / documents importants et autres valeurs auprès d’une banque ou de Postfinance. L’APEA assure la surveillance (art. 4 OGPCT; protection du patrimoine contre les accès illégitimes, abusifs).
  3. S’agissant des placements, il doit en outre tenir compte de la couverture des besoins courants (art. 6 OGPCT). Ainsi seuls certains placements sont recevables, p. ex. les obligations auprès d’une banque cantonale jouissant d’une garantie illimitée de l’Etat, les obligations à intérêt fixe de la Confédération, les dépôts auprès d’institutions de prévoyance professionnelle.
  4. Des règles de placement moins restrictives s’appliquent aux placements pour dépenses supplémentaires (art. 7 OGPCT).
  5. Pour finir, le curateur a une obligation exhaustive de renseigner, de documenter et de rendre compte vis-à-vis de l’APEA (art. 10 et 11 OGPCT).

A compter de sa nomination, le curateur peut demander en tout temps à la banque, à Postfinance ou à l’institution d’assurance des informations sur les comptes, les dépôts et les assurances de la personne concernée et avoir accès aux pièces. Si l’exécution ou la fin de ses fonctions l’exige, il peut également demander des informations relatives à la période précédant sa nomination et à celle suivant le décès de la personne concernée et avoir accès aux pièces (art. 10 al. 2 OGPCT). En détail, on peut retenir ceci à propos du droit de demander des informations:20

  • Dans le cadre de la curatelle de portée générale (art. 398 CC), de la curatelle de représentation ayant pour objet la gestion du patrimoine (art. 395 en rapport avec l’art. 394 CC) ainsi que de la tutelle des mineurs (art. 327ass CC), le curateur est le représentant légal de la personne concernée dans les questions patrimoniales. Aussi va-t-il de soit que le représentant légal ait en principe les mêmes droits de demander des informations que la personne concernée (capable de discernement) elle-même.21 Autrement dit, le curateur a en principe le droit de demander en tout temps des informations à la banque, à Postfinance ou à l’assurance, mais aussi à n’importe quel autre partenaire contractant de la personne concernée. Il n’est donc pas possible de refuser de renseigner le curateur, notamment en invoquant le secret bancaire (art. 47 LB).
  • Dans la curatelle de coopération (art. 396 CC), le curateur n’est pas le représentant légalde la personne concernée. Si le curateur est autorisé par l’APEA à approuver ou à refuser certains actes patrimoniaux de la personne concernée, l’art. 10 al. 2 OGPCT revêt une signification autonome. Le droit de demander des informations se limite toutefois aux renseignements nécessaires à l’exécution du mandat et aux comptes ou biens soumis à l’exigence d’approbation du curateur de coopération.
  • En relation avec une curatelle d’accompagnement (art. 393 CC) ou avec une curatelle de représentation sans gestion du patrimoine (art. 394 CC), seule la personne concernée possède en général le droit de demander des informations et le droit de disposition en matière patrimoniale. Sur la base de l’art. 392 ch. 3 CC ou dans le cadre de la curatelle de représentation, l’APEA peut décider d’une prescription divergente concernant le droit de demander des informations.22
  • La personne concernée capable de discernement a en principe également un droit (autonome) de demander des informations vis-à-vis de la banque, de Postfinance et de l’assurance, dans le cadre de la curatelle de représentation ayant pour objet la gestion du patrimoine et de la curatelle de coopération. Si la personne concernée est en revanche incapable de discernement23 ou qu’elle est privée de l’exercice des droits civils par la loi en raison d’une curatelle de portée générale (art. 398 CC) ou en cas de tutelle (art. 327a CC), la personne concernée ne possède aucun droit de demander des informations.
  • Si la personne concernée capable de discernement a été privée de la faculté d’accéder à certains éléments de son patrimoine, sans que l’exercice de ses droits civils ne soit restreint (cf. le point 2.3.2), elle possède en principe toujours un droit de demander des informations sur ces biens.
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3. Droit irrecevable de l’APEA de demander des informations directement et en tout temps
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L’art. 10 al. 3 OGPCT dispose que l’APEA possède un droit direct de demander en tout temps des informations aux banques, à Postfinance et aux institutions d’assurance. Ce droit se justifie par la fonction de surveillance de l’APEA. A cet égard, l’al. 4 de la même ordonnance prévoit que les banques, Postfinance et les institutions d’assurance transmettent automatiquement chaque année à l’APEA les relevés de compte, de dépôt et d’assurance de la personne concernée.

Ce droit de demander des informations complet mérite un examen critique ci-après pour diverses raisons: d’une part, l’APEA n’est en principe pas la représentante légale de la personne concernée, raison pour laquelle elle ne peut pas avoir les mêmes droits de demander des informations que le curateur des biens. D’autre part, l’APEA doit exercer sa surveillance vis-à-vis du curateur et non des banques, de Postfinance ou des institutions d’assurance. De surcroît, le droit exhaustif de demander des informations pose problème pour ce qui est de sa compatibilité avec le secret bancaire (art. 47 LB). Une loi peut évidemment prévoir un droit de demander des informations à la banque (cf. l’art. 47 al. 5 LB) et ce droit de demander des informations est par conséquent prévu à l’art. 448 CC. Il s’agit cependant d’une procédure de protection de l’adulte en cours: les personnes parties à la procédure et les tiers sont tenus de collaborer à l’établissement des faits (obligation dite de collaborer). L’art. 453 al. 1 CC – qui règle la relation aux tiers et l’obligation de collaborer – prévoit par ailleurs que s’il existe un réel danger qu’une personne ayant besoin d’aide mette (gravement) en danger sa vie ou son intégrité corporelle ou commette un crime ou un délit qui cause un grave dommage corporel, moral ou matériel à autrui, l’APEA, les services concernés (y compris les banques, Postfinance et les institutions d’assurance) et la police sont tenus de collaborer. Dans un tel cas, les personnes liées par le secret de fonction ou le secret professionnel (y compris le secret bancaire) sont autorisées à communiquer les informations nécessaires à l’APEA (art. 453 al. 2 CC; cf. le point 4.3 ci-dessous).

La question importante qui se pose dans le cas présent est de savoir si l’ordonnance du Conseil fédéral représente une base légale suffisante pour un droit de demander des informations complet et en tout temps. L’ordonnance se fonde sur l’art. 408 al. 3 CC. Cette disposition a été édictée dans le CC sous le titre «De l’exercice de la curatelle». La note marginale de la norme est: «Gestion du patrimoine. I. Tâches». Et l’alinéa 3 dispose: «Le Conseil fédéral édicte les dispositions relatives au placement et à la préservation des biens.» Il est d’emblée évident qu’il s’agit de régler la manière dont le curateur des biens – et justement pas les banques, Postfinance ou les institutions d’assurance – doit assumer ses tâches. Etant donné que l’ordonnance s’appuie sur l’art. 408 al. 3 CC, il s’agit d’une ordonnance dite dépendante. Une telle délégation de compétence n’est autorisée que si elle n’est pas exclue par la Constitution, que la norme de délégation est prévue dans la loi elle-même, que la délégation se limite à un certain domaine décrit avec précision et que les grandes lignes de la matière déléguée sont ancrées dans la loi elle-même. Toutes ces conditions doivent être remplies. Le droit de demander des informations directement et en tout temps statué par le Conseil fédéral va cependant au-delà du texte de la loi (et aussi de l’art. 448 CC et de l’art. 453 CC). L’art. 10 al. 3 et 4 OGPCT enfreint par conséquent le principe de légalité (art. 5 al. 1 Cst.) et peut être qualifié de disproportionné (art. 5 al. 2 Cst.). Même la documentation ne permet pas de trouver d’indices des raisons qui justifieraient un tel droit exhaustif de demander des informations de l’APEA.

On constate au final que le droit de demander des informations est irrecevable.24

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4. Droits d’aviser l’autorité, droits de porter plainte et obligations d’aviser l’autorité
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4.1 Introduction
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Si le curateur de représentation n’exerce pas son activité conformément à ses obligations ou s’il reste même inactif, la question qui se pose aux banques impliquées est de savoir si elles ont le droit ou même l’obligation d’aviser l’APEA.

Cette question sera étudiée ci-après et il s’agit notamment de montrer dans quels cas une annonce est autorisée (= droit d’aviser l’autorité) et dans quelles situations une annonce est même obligatoire (= obligation d’aviser l’autorité).

S’il existe un droit d’aviser l’autorité, la personne qui a fait l’annonce n’a cependant pas le droit de savoir si et quelles mesures l’APEA a éventuellement engagées.

La question qui se pose par ailleurs est de savoir dans quelles circonstances les parties prenantes ont éventuellement un droit de porter plainte.

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4.2 Droit général d’aviser l’autorité et obligation générale d’aviser l’autorité en cas de besoin d’assistance
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4.2.1 Droit général d’aviser l’autorité
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Généralités
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N’importe qui peut aviser l’APEA si une personne semble avoir besoin d’assistance. Demeurent réservées les dispositions relatives au secret bancaire (art. 443 al. 1 CC). Si une personne semble donc tellement menacée en ce qui concerne ses affaires personnelles ou financières, qu’une aide ou une protection paraît nécessaire et n’est pas déjà fournie par des tiers, n’importe qui peut en principe adresser un avis de mise en danger. Il s’agit d’un droit d’aviser l’autorité et non d’une obligation d’aviser l’autorité.

Au travers de l’autorisation légale de contacter l’APEA, la norme clarifie le fait que les propos du déclarant concernant la personne ayant besoin d’une assistance n’enfreignent pas la protection des données (ni le secret de fonction au sens de l’art. 14 CP; cf. l’art. 320 CP), pour autant que l’intérêt représenté par l’exercice du droit d’aviser l’autorité prime. L’APEA a en effet besoin d’informations correspondantes pour que le droit matériel de protection de l’adulte puisse effectivement être concrétisé.25

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La réserve du secret professionnel s’applique-t-elle également au secret bancaire?
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La norme réserve cependant le secret professionnel, raison pour laquelle on peut se demander si cette réserve couvre également le secret bancaire. Le texte de la loi plaiderait aisément en ce sens, car il est en principe incontesté que le secret bancaire peut être qualifié de secret professionnel. Le message du Conseil fédéral ne renvoie cependant qu’à l’art. 321 CP et non à l’art. 47 LB.26 Il n’est pas nécessaire de déterminer définitivement ici s’il s’agit d’une erreur rédactionnelle ou d’un choix délibéré. Si l’on se base en effet sur le sens et la finalité du secret professionnel selon l’art. 47 LB,27 je pense qu’on peut partir du principe que la réserve à l’art. 443 al. 1 CC englobe également le secret bancaire.28 Le fait que la protection du secret bancaire doive être considérée comme une protection de la personnalité dans les affaires financières et donc comme une composante d’une protection globale de la personnalité plaide également en ce sens. A cela s’ajoute que le secret bancaire offre une protection pénale relativement stricte. Contrairement à l’art. 321 CP, le délit n’est pas conçu comme un délit poursuivi sur plainte, mais comme un délit poursuivi d’office et même la commission par négligence est sanctionnée. L’incitation à commettre un acte ayant été définie comme une infraction indépendante, la tentative d’incitation et la responsabilité indirecte découlant de l’induction en erreur du détenteur d’un secret sont également punissables.29 Dans ce contexte, il faut en définitive constater qu’il ne serait pas approprié d’exclure le secret bancaire de la réserve formulée à l’art. 443 al. 1 CC.

Il s’ensuit qu’une annonce suppose en principe le consentement de la personne concernée (capable de discernement) ou une autre justification (cf. l’art. 321 al. 2 CP),30 sauf en cas de mise en danger qualifiée pour elle-même ou des tiers (cf. le point 4.3 ci-après).

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4.2.2 Obligation générale d’aviser l’autorité
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Aux termes de l’art. 443 al. 2 CC, toute personne qui, dans l’exercice de sa fonction officielle, a connaissance d’une personne qui semble avoir besoin d’aide est tenue d’en informer l’autorité. Cela concerne également toutes les personnes qui ont des compétences de droit public, même si elles n’ont pas de relation de fonctionnariat ou de salariat avec la collectivité.31 Des curateurs privés tels que des fiduciaires peuvent donc également être tenus d’aviser l’autorité, pour autant qu’ils aient connaissance du besoin d’assistance, non en tant que personne privée, mais dans leur fonction de titulaire d’une charge publique.

En dehors de l’obligation générale d’aviser l’autorité prévue à l’art. 443 al. 2 CC, il existe d’autres obligations (particulières) d’aviser l’autorité32 (cf. p. ex. l’art. 69 al. 2 CPC, l’art. 75 al. 2 CPP, l’art. 397a CO).

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4.3 Droit particulier d’aviser l’autorité en cas de mise en danger qualifiée pour elle-même ou des tiers
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S’il existe un danger sérieux pour qu’une personne ayant besoin d’aide mette (gravement)33 en danger sa vie ou son intégrité corporelle (y compris en danger matériel) ou commette un crime ou un délit qui cause un grave dommage corporel, moral ou matériel à autrui, l’APEA, les services concernés (à savoir le cas échéant aussi les banques, Postfinance et les institutions d’assurance) et la police sont tenus de collaborer (art. 453 al. 1 CC). En d’autres termes, il existe en cas de mise en danger grave de soi-même ou d’autrui une obligation complète de collaborer et d’échanger des informations, afin d’empêcher les mesures contradictoires dans l’intérêt de la personne concernée et de pouvoir prévenir un éventuel danger.

Dans un tel cas, les personnes liées par le secret de fonction ou le secret professionnel (y compris les banques) sont autorisées (motif de justification) à communiquer les informations nécessaires à l’APEA (art. 453 al. 2 CC).

Au final, on peut donc retenir qu’il existe un droit d’aviser l’autorité en cas de mise en danger grave et sérieuse de soi-même ou d’autrui. Ainsi, une banque peut également adresser un avis de mise en danger à l’APEA, en cas de mise en danger matérielle, grave et sérieuse, de soi-même par une personne ayant besoin d’aide. Le pour et le contre doivent néanmoins être obligatoirement pesés au préalable (et le résultat doit si possible être documenté par écrit aux fins de preuve).

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4.4 Droit particulier d’aviser l’autorité en cas d’actes ou d’omissions du curateur des biens
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La personne concernée, l’un de ses proches ou toute personne qui a un intérêt juridique peut saisir l’APEA contre les actions ou les omissions du curateur ainsi que d’un tiers ou d’un organe auquel l’APEA a donné mandat (art. 392 ch. 2 CC) (art. 419 CC). Cette disposition vise à préserver ou à restaurer la gestion conforme des mesures et sert donc en définitive aussi à la protection de la personne concernée. Les intérêts (même patrimoniaux) de la personne concernée constituent une priorité à cet égard.34

Une banque, Postfinance ou une assurance peut donc également avoir un intérêt juridique et saisir l’APEA en vertu de l’art. 419 CC, si le curateur n’exerce pas correctement son mandat. La saisie de l’APEA ne constitue pas une procédure de recours au sens technique. L’APEA soumet l’acte ou l’omission contesté à une vérification exhaustive sous l’angle juridique et effectif, mais aussi de son caractère approprié. La décision de l’APEA peut être contestée au moyen d’un recours devant le tribunal compétent (art. 450 ss CC).35

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4.5 Cas particulier des droits de porter plainte
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4.5.1 Droit de porter plainte dans le cadre du droit de représentation légal
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Lorsqu’une personne frappée d’une incapacité de discernement37 n’a pas constitué de mandat pour cause d’inaptitude38 et que sa représentation n’est pas assurée par une curatelle39, son conjoint ou son partenaire enregistré36 dispose du pouvoir légal de représentation s’il fait ménage commun avec elle ou s’il lui fournit une assistance personnelle régulière (art. 374 al. 1 CC).

A cet égard, le pouvoir de représentation porte (art. 374 al. 2 CC):

  • sur tous les actes juridiques habituellement nécessaires pour satisfaire les besoins de la personne incapable de discernement;
  • sur l’administration ordinaire de ses revenus et de ses autres biens;
  • si nécessaire, sur le droit de prendre connaissance de sa correspondance et de la liquider.

Dans le cadre de l’administration extraordinaire des biens (par exemple la liquidation d’une entreprise, l’aliénation d’immeubles et d’objets de valeur, la vente de valeurs mobilières ou les transactions boursières), le conjoint ou le partenaire enregistré doit requérir le consentement de l’APEA. L’approbation de l’APEA peut toutefois être «contournée», si nécessaire, à l’aide d’un mandat pour cause d’inaptitude (art. 360 ss CC), le conjoint étant institué dans la gestion de patrimoine avec des compétences complètes en tant que mandataire pour cause d’inaptitude.

S’il existe cependant des doutes sur la réalisation des conditions de la représentation, l’APEA statue sur le pouvoir de représentation; le cas échéant, elle remet au conjoint ou au partenaire enregistré un document qui fait état de ses compétences (art. 376 al. 1 CC). Si les intérêts de la personne incapable de discernement sont compromis ou risquent de l’être, l’APEA retire, en tout ou en partie, le pouvoir de représentation au conjoint ou au partenaire enregistré ou institue une curatelle, d’office ou sur requête d’un proche de la personne incapable de discernement (art. 376 al. 2 CC).

Dans le doute, une banque, Postfinance ou une assurance devraient insister pour que leur soit présentée un acte correspondant (cf. l’art. 376 al. 1 CC), car il incombe au conjoint ou au partenaire enregistré de prouver le droit de représentation vis-à-vis d’un tiers (art. 8 CC).

En principe, les banques, Postfinance et les assurances ne sont cependant pas autorisées à porter plainte au sens de l’art. 376 al. 2 CC, car elles ne peuvent généralement pas être comptées parmi les proches. Aussi, le Tribunal fédéral a-t-il expliqué qu’une relation de proximité ne pouvait pas être présumée, dans le cas d’une simple gestion de compte et de dépôt, sans contact particulièrement étroit (ATF 137 III 67 [75 s.], consid. 3.6). Il n’est toutefois pas exclu qu’une banque ou l’employé de banque responsable soit un proche, selon le cas de figure (ATF 137 III 67 [75], consid. 3.6). Dans des cas de figure particuliers avec une relation particulièrement étroite et régulière, il est donc parfaitement envisageable que la banque, Postfinance ou une assurance ou l’employé compétent ait le droit de porter plainte. A défaut, il existe éventuellement un droit d’aviser l’autorité fondé sur l’art. 443 CC40 (cf. le point 4.2 ci-dessus) ou l’art. 453 al. 2 CC (cf. le point 4.3 ci-dessus).

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4.5.2 Droit de porter plainte dans le cadre du mandat pour cause d’inaptitude et droit de demander l’institution et la levée d’une curatelle
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Les explications ci-dessus s’appliquent également par analogie au cas où les intérêts du mandant sont compromis ou risquent de l’être dans le cadre d’un mandat pour cause d’inaptitude (art. 360 ss CC), car l’APEA prend les mesures nécessaires d’office ou sur requête d’un proche du mandant, également dans de tels cas de figure (art. 368 CC). Par ailleurs, les explications s’appliquent notamment aussipar analogie à l’art. 390 al. 3 CC, selon lequel une curatelle est instituée d’office ou à la requête de la personne concernée ou d’un proche. Il en va de même de la levée d’une curatelle (cf. l’art. 399 al. 2 CC).

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4.5.3 Situation particulière de la personne autorisée à porter plainte
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Contrairement aux personnes autorisées à aviser l’autorité (art. 443 al. 1 CC), les personnes autorisées à porter plainte sont considérées comme des parties à la procédure et ont le droit d’exercer les droits procéduraux. Ainsi, elles ont également le droit d’apprendre de l’APEA si et quelles mesures sont éventuellement engagées. Elles disposent également d’une possibilité de recours (cf. l’art. 450 CC).

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4.5.4 Conclusion
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Eu égard aux explications ci-dessus, il est donc envisageable qu’il y ait même en présence d’une relation de proximité particulière entre une personne ayant besoin d’aide et une banque, Postfinance ou une assurance ou leurs employés compétents un droit de demander:

  • l’institution d’une curatelle,
  • la levée d’une curatelle et
  • l’intervention de l’APEA en cas d’exécution non conforme du droit de représentation par le conjoint ou le mandataire pour cause d’inaptitude.
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4.6 Obligation particulière du mandataire d’aviser l’autorité
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Lorsque le mandant est frappé d’une incapacité de discernement probablement durable,41 le mandataire doit en informer l’APEA du domicile du mandant, conformément à l’art. 397a CO, pour autant que la démarche paraisse appropriée au regard de la sauvegarde de ses intérêts.42

Dans un tel cas, le mandataire – qu’il s’agisse d’un fiduciaire, d’une banque, de Postfinance ou d’une assurance – doit toujours peser le pour et le contre avec soin et documenter si possible cette opération par écrit. Le secret bancaire ne s’oppose pas non plus à cette obligation d’aviser l’autorité (cf. l’art. 47 al. 5 LB en rapport avec l’art. 397a CO).

Un avis devra régulièrement être communiqué, car la surveillance et le contrôle de l’exécution du mandat ne sont plus même assurés dans les grandes lignes, en cas d’incapacité de discernement probablement durable. A défaut, il y aurait un risque de devoir verser un dédommagement, car il devrait régulièrement y avoir un droit à dédommagement en présence d’un préjudice à indemniser et d’une violation prouvée de l’obligation d’aviser l’autorité.43

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  1. FamKomm Erwachsenenschutz / Meier, Art. 394 ZGB N 9 ss.
  2. Message concernant la protection de l’adulte, 6678 s. (FF 2006, 6635, 6678 s.).
  3. FamKomm Erwachsenenschutz / Meier, Art. 394 ZGB N 17 s.
  4. Cf. à ce propos en détail et avec de plus amples informations FamKomm Erwachsenenschutz / Meier, Art. 394 ZGB N 20 s.
  5. FamKomm Erwachsenenschutz / Häfeli, Art. 409 ZGB N 2 ss.
  6. Cf. plus en détail à ce propos FamKomm Erwachsenenschutz / Meier, Art. 394 ZGB N 22.
  7. Peter Dörflinger, Zusammenarbeit zwischen KESB und den Banken Art. 9 der Verordnung über die Vermögensverwaltung (VBVV), ZKE 5/2013, p. 353 ss, 360 s.
  8. ESR Komm-Stupp / Bachmann, Art. 6 VBVV N 24.
  9. FamKomm Erwachsenenschutz / Häfeli, Art. 405 ZGB N 16.
  10. Les intérêts des personnes concernées priment les intérêts de la collectivité et des tiers privés. Il n’empêche que les nuisances ou les dangers pour des tiers émanant du comportement de la personne concernée doivent être pris en compte et si possible empêchés.
  11. Cette disposition concrétise l’art. 388 al. 2 CC et vise à renforcer l’autodétermination.
  12. Cf. à ce sujet l’art. 390 al. 1 ch. 1 CC.
  13. En règle générale, justement pas les affaires pécuniaires.
  14. D’une part, le rapport d’activité doit permettre à l’APEA d’exercer un contrôle et une surveillance sur l’activité du curateur. D’autre part, il permet de dresser le bilan de la situation et donc notamment de vérifier l’adéquation et la nécessité de la mesure.
  15. La responsabilité s’applique pour les dommages causés intentionnellement et par négligence (art. 413 al. 1 CC en rapport avec l’art. 398 al. 1 CO en rapport avec l’art. 321e CO).
  16. Cf. l’art. 655 al. 2 CC à propos de la notion d’immeuble.
  17. Cf. cependant le point 2.3.3 ci-dessus.
  18. RS 211.223.11.
  19. www.swissbanking.org/home/standpunkte-link/regulierung-richtlinien.htm.
  20. Cf. à ce propos ESR Komm-Stupp / Bachmann, Art. 10 N 3 ss.
  21. Thomas Geiser, Behördenzusammenarbeit im Erwachsenenschutzrecht, AJP 2012, p. 1688 ss., p. 1692.
  22. Recommandations ASB / COPMA, ch. 16.
  23. Cf. l’art. 16 CC.
  24. Opinion identique Georg Zondler / Patrick Näf, AJP 8/2013, p. 1232 ss., p. 1239; Kleiner / Schwob / Winzeler, Art. 47 BankG, N 14 et 76; ESR Komm-Stupp / Bachmann, Art. 10 N 16 ss.
  25. Cf. Hausheer / Geiser / Aebi-Müller, Das Familienrecht des Schweizerischen Zivilgesetzbuchs, 5e éd., Berne 2014, N 19.76; BSK ZGB I-Auer / Marti, Art. 443 N 8.
  26. Message concernant la protection de l’adulte, 6708 (FF 2006, 6635, 6708).
  27. Il s’agit des obligations de garder le secret des banques et de leurs collaborateurs concernant les relations d’affaires avec leurs clients et leur situation patrimoniale et privée: la banque et ses collaborateurs sont tenus de préserver ce secret professionnel sous peine de sanctions pénales. La validité de cette obligation n’est bien sûr pas illimitée (cf. l’art. 47 al. 5 LB; le cas échéant obligation de témoigner et de renseigner les autorités; obligations d’aviser l’autorité).
  28. Opinion identique: BSK ZGB I-Auer / Marti, Art. 443 N 10; similaire Zondler / Näf, AJP 8/2013, p. 1232 ss., p. 1235; opinion divergente: Rosch, Melderechte, Melde- und Mitwirkungspflichten, Amtshilfe: die Zusammenarbeit mit der neuen Kindes- und Erwachsenenschutzbehörde, FamPra 4/2012, p. 1020 ss, p. 1026 avec de plus amples informations. Le fait que l’art. 321 CP soit complété par l’art. 47 LB plaide également en ce sens (cf. Ricklin, OFK-StGB, Art. 321 N 2).
  29. Cf. Kleiner / Schwob / Winzeler, Art. 47 BankG, N 1 s.
  30. Cf. par exemple à ce propos Ricklin, OFK-StGB, Art. 321 N 15 ss.
  31. Message concernant la protection de l’adulte, 6708 (FF 2006, 6635, 6708); BSK ZGB I-Auer / Marti, Art. 443 N 20.
  32. Cf. à ce sujet Kathrin Affolter, Anzeige- und Meldepflicht (Art. 443 Abs. 2 ZGB), ZKE 1/2013, p. 47 ss, p. 48 ss. Une révision de l’obligation d’aviser l’autorité qui concerne notamment la protection de l’enfant est toutefois prévue actuellement.
  33. Au-delà du texte de la loi, le fait de mettre en danger sa vie doit également être grave.
  34. Cf. BSK ZGB I-Schmid, Art. 419 N 1 ss.
  35. BSK ZGB I-Schmid, Art. 419 N 14 ss.
  36. Cf. également à ce sujet la loi sur le partenariat. Le concubinage n’est notamment pas couvert.
  37. Cf. l’art. 16 CC.
  38. Cf. les art. 360 ss CC.
  39. Cf. les art. 390 ss CC.
  40. Pour pouvoir donner valablement son consentement, la personne concernée doit cependant être capable de discernement à cet égard.
  41. Cf. l’art. 16 CC.
  42. Cf. pour plus de détails à ce sujet par exemple BSK OR I-Weber, Art. 397a; Peter Breitschmid, Meldepflicht des Beauftragten gemäss Art. 397a OR – in welchen Fällen zwingend?, SJZ 109/2013, p. 251 ss.
  43. Cf. également à ce sujet pour les banques Zonder / Näf, Die Banken und das Erwachsenschutzrecht, AJP 8/2013, p. 1232 ss, S. 1237 s.
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